Bonsoir
Les beaux jours reviennent, et avec eux, les bestioles, les fleurs, les jupes, les siestes dans le parc, et les examens. La semaine prochaine est blindée d'intero (maths, histoire, physique chimie, SVT...), la semaine d'après, oral de maths euro, la semaine d'encore après, bac blanc. Et la semaine d'après, vacances. Autant dire que je me sens l'âme d'un coureur s'échauffant avant le marathon. D'ailleurs je me comporte un peu pareil: je mange équilibré, je fais le plein d'énergie, je révise... J'ai commencé le régime que le médecin m'avait donné il y a déjà... ouh. Quatre? Quatre ans! Ouch. Je ne me rends pas compte d'à quel point je vieillis. Et donc, ce régime avait bien fonctionné la première fois que je l'avais suivi, correctement, fidèlement, j'avais perdu jusqu'à six kilos. Là, je suis remontée au dessus du poids dont j'étais partie à l'époque, mais j'ai déjà perdu un kilos en trois jours de régime, donc je suis au même poids que celui auquel j'étais lorsque j'avais commencé ce régime la première fois. Il faut que je m'y tienne rigoureusement, mais je sais qu'il marche, et il a l'avantage de ne pas être épuisant ni physiquement ni mentalement: je mange plutôt à ma faim, sans jamais baffrer cependant, je mange plus équilibré que d'habitude, avec à la fois légumes, poissons, viandes, produits laitiers, pain, fruits (oui, fruits! Incroyable mais vrai, je me tape d'avaler une pomme par jour, ce qui pour moi tient de l'exploit). Bon, pas crudités, je veux bien faire des efforts, mais faut pas pousser non plus.
Donc, j'espère que d'ici un mois, lorsque je retrouverai celui que j'aime, j'aurai enfin perdu assez pour me sentir à l'aise dans mon corps. Ou du moins, plus à l'aise que maintenant. Je ne peux plus supporter de me voir comme ça. Je ne veux plus me sentir mal à chaque fois que je regarde les autres.
Et puis, si j'arrive à perdre le poids que je veux perdre, je pourrais de nouveau rentrer dans certains vêtements, et ça m'évitera d'avoir à racheter certains choses. Sans parler des vêtements que j'aime beaucoup et dans lesquels je ne rentre plus. Alors je suis motivée, plus encore que la première fois, pas cette fois par crainte de ce qu'en pensera le médecin si je ne perds pas, mais par crainte de ce que moi, je vais penser de moi si je n'y arrive pas: je vais encore me sentir mal, et si j'échoue cette fois, alors je pense que je n'y arriverai jamais. Alors je vais y arriver.
Mais il faut aussi en parallèle que je bosse à fond pour mon bac, parce que j'aimerais décrocher une mention, la plus haute possible. Pas franchement pour pouvoir me vanter, mais surtout parce que je sais que si je décroche la mention très bien cette année, je serai rassurée l'an prochain pour ma première année de médecine: je saurai que je suis capable de tout donner pour réussir. C'est une sorte d'appui psychologique: si je me prouve cette année que j'en suis capable, alors l'an prochain je saurai que j'en suis capable donc je risque moins de me décourager pour rien.
Ceci dit, si je n'ai pas la mention cette année, ça ne m'empêchera pas de tout donner l'an prochain.
J'aimerais vraiment arriver à faire tout ce que je veux faire: changer mon corps, me prouver ce que je veux me prouver, me prouver que je suis capable d'être aussi bien que les autres, mieux même, que j'ai le droit d'avoir de l'estime envers moi même. Je veux me prouver que j'existe et que je ne suis pas juste une larve en train de regarder sa vie passer en se contentant d'à peu près. Je veux être fière de moi, et arrêter de me fustiger sans cesse. Je ne veux plus trembler et me remettre en questions à la moindre remarque, à la moindre critique de l'extérieur. Je veux être sûre de moi. Je veux gagner cette confiance en moi que je perds sans cesse. C'est un peu comme si j'évoluais en échasses en permanence: je tombe, je me relève, je marche de manière assez maladroite, et dès que quelqu'un me pousse un peu, pouf! Je tombe. Dès qu'on se moque de moi, je suis déstabilisée, je regarde mes pieds et pouf! Je tombe. Et bien je ne veux plus me laisser déstabiliser. Si je me prouve ce que je vaux, alors je pourrais enfin me constituer cette espèce de bulle de protection que les autres ont l'air de posséder et que je ne sais pas me constituer. Un peu de respect envers moi même. Je sais que je suis ridicule, à pleurer dès que les autres m'enfoncent, à m'assombrir à la moindre moquerie, me vexer, paniquer. Mais je n'arrive pas à réagir autrement. Je n'arrive pas à relativiser. Parce que j'ai toujours l'impression que dans le fond, lorsque l'on me critique, je l'ai mérité: je n'ai pas été assez patiente, pas assez ouverte, pas assez rapide, pas assez intelligente, pas assez compréhensive, trop sérieuse, trop...etc.. Même si une part de moi sait que ce n'est pas vrai. Une part de moi le pense, et c'est pour ça que je me mets dans tous mes états: je ne sais plus quoi penser. J'en viens à ne plus savoir interagir avec les autres par moments, parce que je crains leur réaction.
Alors je ne veux plus penser aux autres, j'en viens parfois à souhaiter qu'ils n'existent plus, tous ces gens qui me mettent mal à l'aise. Ces moments où j'aimerais juste me rendre invisible, me faire toute petite, fuir, me retrouver seule.
Mais je me sens toujours seule. Alors qu'est ce que ça change?
Je ne veux plus de ça. Je veux me sentir en paix avec moi même. J'ai été élevée dans la perspective de: "si tu as de la volonté, alors tu dois être mince, tu dois dominer ton corps, et tu dois faire des études, tu dois être intelligente. Si tu veux, tu peux, si tu n'y arrives pas, alors tu n'as pas de volonté, tu ne vaux rien, tu dois montrer que tu vaux mieux que les autres, parce que tu es ma fille, et que je vaux mieux que ça."
En même temps, quand votre mère est capable de sortir des choses comme "j'aurais préféré que tu sois anorexique" ou "j'ai honte de toi quand je te compare aux autres filles à la sortie du collège", ça ne vous aide pas à vous sentir en paix avec vous même ni avec votre corps.
Mais je n'existe pas pour elle, ni pour personne, je n'existe que pour moi. Je suis la seule qui ait le droit de me juger. Je veux bien que l'on m'aide à m'évaluer, mais pas qu'on le fasse pour moi. Qu'on me critique, si c'est constructif, je veux bien. Ca fait mal mais je veux bien. Mais qu'on me critique pour me blesser, qu'on me critique juste pour le plaisir de se sentir supérieur et de me voir me recroqueviller sur moi même, non.
J'ai l'impression d'avoir écrit beaucoup de choses sans queue ni tête ce soir, non? Je dois sembler bien hystérique... Tant pis.
Quand j'y pense, je suis quelqu'un de bien instable. Mais je veux que ça change. Je veux être sûre. Sûre de moi . Sûre pour moi. Et sûre pour les autres. Je veux être un peu la mère protectrice envers moi même et envers les autres que je n'ai jamais eut. Quelqu'un sur qui on peut compter. Quelqu'un sur qui je peux compter. Oui, oui. Je veux pouvoir compter sur moi même. C'est un peu comme lorsque, dans les avions, on dit aux parents de mettre le masque à eux mêmes avant de le mettre aux enfants: parce que si eux même perdent connaissance, qui va s'occuper des enfants?Je veux changer avant d'avoir perdu toute fois en moi. Je veux me racheter à mes propres yeux. Et montrer aux autres que oui, j'en suis capable. Mais surtout, surtout à moi même. Pour pouvoir soutenir les autres, il faut déjà que je devienne solide. Et au diable ceux que ça peut gêner.
Sur ce, bonne soirée!
Pont aux chutes du Niagara, juillet 2011.